Retour sur les ateliers des Années collège dans les quartiers sensibles
La délégation sénatoriale à la prospective, présidée par Joël Bourdin (UMP-Eure), a organisé, le 30 mai dernier au Palais du Luxembourg, un atelier de réflexion consacré à l’égalité des chances à donner aux adolescents issus des quartiers fragiles de nos villes.
Cette manifestation constituait le prolongement d’un précédent rapport d’information, établi en mars 2011 par la sénatrice Fabienne Keller (UMP-Bas-Rhin) et intitulé L’avenir des « années collège » dans les quartiers sensibles. C’est sur l’initiative de celle-ci que deux des préconisations qu’elle avait alors formulées pour faire de ces quartiers des quartiers ordinaires ont été approfondies au cours des débats : d’une part, mobiliser l’indispensable devoir de mémoire afin de conforter l’élaboration de repères historiques et culturels communs ; d’autre part, souligner le rôle paradoxal de l’emploi, tout à la fois structurant pour les familles et pour l’insertion des jeunes, mais aussi porteur de déstructurations quand il est pratiqué en horaires décalés et atypiques, notamment par les mères-chefs de foyers monoparentaux.
Chacun de ces sujets a fait l’objet d’une table ronde dédiée, associant des chercheurs, des enseignants, des juristes, des philosophes, des représentants du monde du travail, des historiens, des professionnels de l’encadrement des jeunes, des responsables d’associations, des photographes de reportage ou des sociologues afin de présenter un panorama complet et diversifié de la réalité du terrain.
La première, consacrée au travail de mémoire, rassemblait Anne-Marie Bazzo, directrice académique des services de l’éducation nationale, Yahya Cheikh, agrégé d’arabe, professeur à Sciences Po, responsable d’associations en faveur de la promotion de la langue arabe, Michel Cornille, principal de collège honoraire, animateur du contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) de Marseille Littoral Sud, Adil Jazouli, sociologue, chargé de mission auprès du secrétaire général du comité interministériel des villes (CIV), Roland Meyer, psychanalyste et philosophe, Michel Quéré, recteur de l’académie de Rennes, Marcel Spisser, co-auteur du manuel d’histoire franco-allemand et Marc Vigié, inspecteur d’académie, référent académique « mémoire et citoyenneté » à Versailles.
Elle a débattu de l’intérêt que pourrait présenter la conception d’un ouvrage historique commun à la France et aux différents pays autrefois impliqués dans le processus de décolonisation, sur le modèle du manuel d’histoire franco-allemand traitant de la Seconde Guerre mondiale. Les échanges ont mis en lumière la difficulté de cet exercice, en raison de la grande diversité des situations qui conduit à une pluralité des mémoires, mais aussi la nécessité de valoriser l’enseignement de la langue arabe et d’en faire un atout social et culturel pour les jeunes qui la parlent.
La seconde, consacrée à l’insertion dans le monde du travail, rassemblait Emmanuelle Barbara, avocate spécialisée en droit social du cabinet August & Debouzy, Bertrand Castagné, vice-président de la fédération des entreprises de propreté et président de la commission sociale, Christine Kelly, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), présidente de la fondation K d’urgences, Gaël Mouyen, assistant social au collège Jean-Moulin d’Aubervilliers, Sophie Pasquet, photojournaliste, et François Roux, délégué général du Prisme, organisation professionnelle représentant les agences d’emploi intérimaire.
Elle a examiné la question de l’activité professionnelle sous ses nombreuses facettes : l’accès à l’emploi, qu’il s’agisse des parents ou des jeunes, notamment par le biais de l’intérim ; les difficultés pratiques quotidiennes des mères employées en horaires atypiques pour concilier leurs contraintes d’emploi avec leurs obligations familiales, tant pour l’accès à un mode de garde pour leurs jeunes enfants que pour assurer le suivi scolaire des collégiens et leur présence à leurs côtés ; les habitudes à changer dans certaines professions, notamment celles qui sont liées au secteur du nettoyage des locaux de travail, dont l’exercice en horaires décalés est le plus souvent imposé par les commanditaires, y compris d’ailleurs les personnes publiques ; la détresse économique et sociale des mères isolées dont on ne dénonce pas suffisamment qu’elles sont les premières victimes de la crise, de la pauvreté et du surendettement ; l’efficacité trop faible du stage de découverte professionnelle que les collégiens doivent effectuer en fin de classe de troisième et qui constitue rarement pour eux l’occasion de s’ouvrir au monde du travail par manque d’accès aux entreprises extérieures à leur quartier d’origine.
Fabienne Keller a plaidé en faveur d’un changement de regard, qui permettrait de mieux valoriser certaines professions et d’accompagner, avec davantage d’humanité et d’écoute, les jeunes résidents des quartiers sensibles vers l’âge adulte.
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L’ensemble des débats est disponible en vidéo sur le site du Sénat (http://videos.senat.fr/video/videos/2013/video18314.html) et fera l’objet d’un compte rendu intégral sous la forme d’un rapport écrit.